Naître entre les mondes – chants à la maternité
En partenariat avec l’association Mimesis
Exposition Naître Entre Les Mondes @CPA
INSTALLATION IMMERSIVE ET ARTISTIQUE
Du 21 décembre au 9 février
Visite inaugurale prévue le 21 décembre à 16h30
CPA, Centre du Patrimoine Arménien, Ethnopôle Mémoires Migrations Frontières, Valence
Plus d’info sur l’exposition au CPA https://mimesis-asso.fr/exposition-naitre-entre-les-mondes-cpa/
En 2024, Angela Erazo (chanteuse et ethnomusciologue), Morgane Dujmovic (géographe, cartographe CNRS) et Hélène Poté (réalisatrice sonore) ont mené le projet Naitre entre les mondes avec le service maternité du groupement hospitalier Portes de Provence à Montélimar sur la question de la transmission des chants pour l’accueil d’un nouveau-né.
Notes pour le bilan de l’activité
Octobre 2024
Nous sommes parties du postulat « Les parents créent un lien avec le nouveau-né qui passe souvent par le chant et par l’oralité ». Ce lien est précieux autant parce qu’il rend compte de l’importance de l’échange intime direct entre parents et nouveaux-nés, mais aussi pour constituer la forme de transmission la plus immédiate des particularités culturelles qui sont propres à chaque individu, au sein d’une famille et d’une communauté.
Ainsi, grâce aux ateliers et aux entretiens réalisés, nous avons composé un corpus représentatif de quelques unes des manifestations les plus notoires des ces réalisations musicales dirigées aux petits enfants. Ces chansons, comptines, berceuses composent ainsi un répertoire familial transmis à travers les générations qui raconte le récit de famille. Ce répertoire peut être chanté en langues régionales ou étrangères et nous relie à notre lignée de parenté, en étant parfois la seule expression consciente de cette filiation.
Nous avons pu aborder pleinement différents aspects de cette thématique avec les patientes, les familles et le personnel soignant, lors des ateliers et des rencontres sous forme de discussion intime dans les chambres et dans les bureaux. Nous sommes convaincues que la communication entre l’équipe soignante et les patient.es en maternité gagne beaucoup en fluidité, y compris en termes d’amélioration des protocoles de soin et de la qualité de ces derniers, dès lors qu’elle s’établit en tenant compte de ces récits familiaux, de leur importance et de la place qu’il prend au moment de l’arrivée d’un nouveau membre dans la famille.
Les chants, même quand il semblent tomber en désuétude pour certaines personnes qui leur confèrent une qualité de souvenir lointain : « ma grand-mère chantait, je me contente de mettre des comptines sur youtube », restent archivés dans un coin de la mémoire et resurgissent à la naissance des enfants ou des petits-enfants. Ils portent par des bribes de vagues remembrances ce qu’il y a de plus direct entre les personnes et leurs aïeuls.
En ce qui concerne les soins apportés aux nouveaux-nés et plus particulièrement aux petits-enfants, les chants portés par les équipes médicales et par les familles, accomplissent un rôle thérapeutique quand par exemple, on apaise un enfant en train de subir un soin que l’on lui prodigue et qui peut le déstabiliser ou le désorienter. Ces pratiques musicales sont une technique à part entière pratiquée par les soignantes de manière presque imperceptible : les auxiliaires puéricultrices chantent en permanence dans le cadre de leur soin et leur chant est l’outil sur lequel se base la communication avec le petit patient et cela de manière systématique. On fait appel à la voix, plus précisément à la voix chantée, des parents également pour encadrer le soin sans quoi il deviendrait impossible car stressant.
Un deuxième volet du projet initial à la maternité, mais dans le service de pédiatrie, viendrait compléter le projet et nous permettrait d’approfondir sur la thématique.
Les ateliers réalisés, ainsi que les rencontres avec les familles dans les chambres, nous ont permis d’aborder avec le public un panel très riche des sujets, par le biais des chansons, des musiques et des pratiques orales intimes. Ces expressions, très chargées d’un point de vue émotionnel s’avèrent porteuses de sens et marqueurs d’identité, elles rendent chaque individu très particulier dans un univers familial propre et singulier.
Au travers des sujets tels que l’enfance, les souvenirs de leur quartier, les grand-parents, le village, entre autres, les personnes se sont laissés « plonger » dans le flot des souvenirs et nous avons pu distinguer quelques thématiques communes aux chants de famille : la transmission, la célébration, la fête, entre autres. Nous avons pu établir aussi une corrélation entre nos pratiques intimes en tant qu’individus modernes et la tendance digitale qui s’installe lors de nos échanges personnels et familiaux.
Une autre thématique un peu décalée que nous avons remarquée, vient de manière plus ou moins visible parler de guerre, de cruauté ou des situations infamantes : « Il court le furet », « Jean Petit qui danse », « La claire fontaine » ou encore « La souris verte » en sont des exemples.
Ces thématiques décrivant des faits historiques réels ou imaginés violents pourraient servir de catalyseurs pour parler des choses dures aux enfants. N’étant pas exemptés des mésaventures dans le cours d’une vie, il fallait trouver pour les enfants une manière aimable d’évoquer ces sujets (la guerre, la violence, la cruauté du monde) afin de les rendre plus audibles.
Bien que propice au surgissement des expressions orales et chantées intimes, le moment de l’accouchement avec son lot d’adaptation et d’attention intense et urgente réservée au nouveau-né, laisse peu de place aux échanges avec l’équipe artistique. Nous nous sommes orientées vers un travail dans la Pédiatrie, un autre des services du Pôle Mère-Enfant, où l’on a pu voir en pratique, lors d’une première exploration, le chant comme outil de communication faisant partie intégrante du soin.